Remontons encore un tout petit peu plus dans le temps. Une interview de 2004 donnée à Amiens en avril 2004. La photo (connue) accompagnant le texte est de Marion Richeux (ça je ne savais pas).
Pourquoi êtes-vous passés de la télé à la musique ?Ok.Et bien, assez naturellement en fait. La télé, je faisais ça avec beaucoup de plaisir mais c'était assez alimentaire. Et parallèlement je commençais à faire de la musique et jusqu'à un moment où je me suis vraiment consacré, pour des raisons d'emploi du temps où je ne pouvais plus ménager les deux, plus à la musique. Mais j'adorais bosser à la télé, c'est quelque chose qui m'intéresse encore, c'est un super souvenir.
Vous êtes musicien à l'origine ou c'est venu après ?Pas vraiment. J'ai appris la trompette quand j'étais petit mais je ne suis pas à proprement parler un musicien. Même encore aujourd'hui, je joue du piano, mais je ne suis pas musicien au sens premier du terme où je pourrais accompagner des gens, jouer avec d’autres gens. Je ne crois pas être musicien à la base, c'est plutôt l'écriture qui est vraiment un truc qui me tient depuis plusieurs années. (s'adressant aux deux confrères participants à l'interview) Arrêtez de chuchoter quand je cause bordel…. (rires)
Cherchez-vous à faire passer des messages dans vos chansons ?J'essaye de dire des choses dans les chansons que je pense mais pas à faire passer de messages, à dire aux gens "voilà ce qu'il faut penser, si vous ne pensez pas ça vous avez tort…"
Vous ne trouvez pas que c'est de la musique engagée ?Non, mais j'ai un rapport compliqué avec cela même si je crois quand même dire des choses profondes et significatives dans les chansons. Même si à l’écoute de mes chansons l’on remarque que je suis plutôt de gauche, plutôt anti-raciste, je me méfie beaucoup des messages à faire passer par la chanson. J'ai un rapport un peu compliqué avec cela. Cela peut souvent galvauder les idées. C'est important d’avoir les idées mais je crois que c'est à chacun d'en donner sa définition. L’on n’a pas besoin d'un chanteur pour en avoir. Mes idées valent autant que celle d'un boulanger. C'est à chacun de les avoir, ce n'est pas parce que je suis chanteur que j'ai le droit de dire aux gens ce qu'ils doivent penser ou faire.
Et les chansons, ce sont plutôt des situations vécues ?Oui, mais pas forcément tout le temps par moi, elles sont parfois inspirées par des faits auxquels j'ai pu assister, ce sont des choses assez proches de moi.
Vous considérez-vous comme un artiste bordélique ?Bordélique? Bordélique sûrement ; artiste ça j'ai des réserves là-dessus, mais bordélique sans aucun doute.
Avez vous peur du succès ?Oui. C'est quelque chose de très agréable quand vous vendez des disques, vous remplissez des salles, c'est vraiment quelque chose de super. Je pense être à l'abri de cela car je reste très humain. C'est plus de la reconnaissance donc je suis conscient que c'est un privilège de pouvoir être plus reconnu que connu mais c'est quelque chose d'assez bizarre à vivre.. Le fait que des gens vous connaissent alors que vous ne les connaissez pas, c'est un truc un peu étrange mais moi ça va c'est quand même un niveau humain donc tout se passe très bien.
Et justement quand il y a des gens comme Jean Rochefort ou Henri Salvador qui vous disent adorer ce que vous faites…Cela fait énormément plaisir. C'est vraiment un grand plaisir, c'est une grande joie et vous êtes surtout très intimidé. Lorsque des gens de cette dimension vous font des compliments vous n’avez pas grand chose à dire mais cela touche beaucoup.
Quelle importance accordez-vous à la scène ?Pour moi c'est l'essentiel de mon boulot, c'est à la scène que tout commence et aussi là que tout finit. Je considère que faire des concerts est la cause et la conséquence, le yin et le yang (rires) (avec un accent italien) de la musique. J'aime bien la scène car c’est un moment de partage avec le public.
Que sont devenus les Associés ?Ils sont tous décédés…. Ça, a été vraiment dramatique, je n'aime pas trop en parler, dans un accident de bus ……non il y avait deux associés. Il y avait Denis qui est avec moi encore, qui joue de l'accordéon et Pépère qui n’est plus avec le groupe mais qui reste un copain très proche, il vient aux enregistrements et nous nous voyons souvent… mais qui lui ne voulait plus partir en tournée, il est journaliste, il n’a pas envie de mener sa vie en tournée mais il reste très proche des associés.
Que pensez-vous de Bénabar à la Star Academy ?J’ai bien l'intention d'y aller, il paraît qu'ils se font beaucoup d'oseille les gars qui y vont. Mais on ne m'a pas proposé. (rires) Peut-être que si l’on me demande, j'étudierais la question de près.
"Bénabar" vient paraît-il de Barnabé le clown mais qui est Barnabé le clown ?Justement personne, c'était vraiment un surnom. Au début, comme on jouait à deux, j'aimais bien l'idée que l'on ait des noms de clowns, mais c'était vraiment une idée hasardeuse car nous n’avions pas de nom et qu'il y avait un concert prévu. Ce n'était pas motivé par une raison particulière…
Quels sont pour vous les "risques du métier" ?C'est large. Il y en a beaucoup. Le risque principal de ce métier, c'est d'écrire des chansons qui n'intéressent que toi. Je ne suis pas à l'abri de ce risque-là que j'essaye de combattre.
Et vous pensez à quoi lorsque vous êtes en face d’un micro ?A pleins de choses, cela vous surprendrait. Parfois je pense aux paroles, d’autres fois aux gens, des fois je pense à d’autres trucs et c’est à ce moment-là que j’oublie les paroles. D’ailleurs la plupart du temps je pense à ce que je vais faire le lendemain ? " ça va ça vient, mais souvent je pense à la chanson ou à la prochaine chanson.
L’évolution entre vos trois albums reflète-t-elle une évolution personnelle ?J’espère que oui car il y a déjà l’évolution d’âge. J’espère que les choses évoluent aussi bien pour moi que pour les musiciens et les gens que je rencontre. Je souhaite que cette évolution continue.
Quelle est la question que tu aurais aimé que l’on te pose mais que l’on ne t’a jamais posée ?Aucune, franchement !
Et celle que l'on te pose tout le temps ?Ça veut dire quoi bénabar ? Est-ce Barnabé en verlan ? Ou aussi, écrivez-vous les paroles avant la musique?
Et alors ?Je n’ai pas de règle, ce sont des bouts de paroles et des bouts de musique qui me viennent par alternance sans plan défini.
L’orchestre à cordes sur le dernier album, s’est-il imposé par rapport aux paroles ou c’est une envie personnelle ?Non, c’était vraiment une envie. Comme il y avait beaucoup de cuivres sur l’album précédent, on voulait un peu se surprendre nous-même, trouver d’autres couleurs musicales. C’était vraiment un choix de ma part.
Et quelle chanson préfèrez-vous dans votre liste ?Il n'y en a pas vraiment franchement, c’est cyclique. Comme je fais beaucoup de concerts, il y a par période des chansons que j’ai marre de jouer sur scène et puis l’envie revient par la suite…il n'y en a pas vraiment. Sur le moment, il y a une chanson que tu adores jouer, tu la trouve vraiment super et puis au bout de trois mois, elle te gonfle, tu ne peux plus l’entendre, ça va ça vient quoi…. Mais en général, je ne m’extasie sur aucune de mes chansons. Les chansons que je préfère sont celles des autres.
Et quelles sont vos références musicales ?[
C’est assez large. Brel ; Brassens, Renaud, Higelin, Souchon, la Mano Negra je pourrais t’en citer vraiment pendant des heures …mais, pour moi, ce sont plus des petits bouts de morceaux chez pleins de personnes plus qu’un gros truc chez une seule personne (rires )
Par rapport à votre tournée, il y a une ville que vous avez repérée, enfin je suppose que ce n’est pas la même ambiance à chaque fois…Ce n’est pas la même ambiance à chaque fois, mais, ce n’est pas non plus complètement différent.. Je crois vraiment c’est plutôt à nous de mettre l’ambiance pour faire bouger le public. Il ne me viendrais pas à l’idée de dire " putain le public a été mauvais ce soir ", ça me semble quelque chose de totalement absurde. C’est mon boulot. C’est quand même le public qui paye et puis nous qui sommes payés pour venir. Je crois que cela ne dépend pas des villes. Je ne le sens pas; il paraît que certains artistes disent " ouais dans le sud ils sont comme ça… au Nord ils sont comme ci… " .Il y a des villes qui sont peut-être plus ouvertement chaleureuses, genre en Bretagne parce qu’il y a beaucoup d’étudiants donc il y a plus de gens qui ont fait la fête, qui ont bu un coup, qui sont un peu bourrés, ou d’autres qui mettent le bordel plus rapidement. C’est donc pour des raisons de ce genre…. Alors c’est peut-être vrai quand tu fais des tournées mondiales, quand tu vas jouer au Japon, à Paris et puis en Afrique mais je n’ai jamais noté de vraies différences. Et quand il y a eu de vraies différences, c’était de notre faute, c’est que nous n'avions pas réussi à mettre la bonne ambiance, enfin… de la faute des musiciens parce que ça ne peut pas être de la mienne, (Rires).
Et vous avez envie de faire un album live ? parce qu’on avait vu " le slow " sur le dernier albumOui, c’est prévu. Qui va sortir en octobre, avec un dvd.
Être chanteur est-ce vivre sa passion ou excercer un métier comme un autre pour vous ?Je n’aime pas le terme de passion parce que la passion à la limite, c’est pas dans un boulot que j’ai envie de la mettre. Je sais en même temps que c’est très démago de dire que c’est exercer un métier comme un autre, parce que c’est pas vrai. Mais il y a cette notion-là ; Etre chanteur c’est un boulot. Le fait d’écrire des chansons, c’est un truc plus intime, plus complexe parce que tu te livres, c’est une vision que tu as du monde. C’est même plus dangereux pour soi parce que tu vas chercher des choses. Le fait d’écrire met peut-être plus en péril. Le fait de chanter demande des compétences assez immédiates, quasiment techniques. Etre sur scène, utiliser la voix révèle plus la forme du métier de chanteur que je ne ressens pas du tout dans le fait d’écrire. Quand tu fais beaucoup de concerts, il y a des moments où tu travailles un peu ta voix. Il y a encore 3, 4 ans je me cassais la voix à tous les concerts maintenant c’est plus rare, donc il y a des choses que l’on apprend. Chanteur, c’est un métier à part entière ... auteur de chansons par contre, je ne pense pas ce n’est pas un métier (Silence) c’était chiant comme réponse, non ? (rires)
Ca va être dur à retranscrire..Ah ouais, ça doit être très confus en plus……oui !
Comment vous définirez-vous aujourd’hui ?Difficile à dire c’est un truc que je ne saurais pas dire
Question piège...Désolé, j’esquive habilement, très habilement. Vous avez remarqué …Non franchement je ne saurais pas vous répondre. (il regarde sa montre)
Je regarde parce qu’à 18h je voudrais fumer ma cigarette parce que je m’arrête de fumer
(Rires) J’ai déjà fumé deux clopes aujourd’hui, je n’aurais pas du mais c’était bien..
Votre carrière a explosé avec le deuxième ou le troisième album ?" Explosé " c’est un très grand mot... j’étais un peu plus visible avec le deuxième.
Mais les gens n'ont pas un peu oublié l’album d’avant enfin. Après ils se sont dit " oui il y avait un album avant " mais...La petite monnaie ?
Oui, la petite monnaie …Il y a pleins de gens qui ne le connaissent pas encore aujourd’hui, qui le découvrent. Mais, ça fait parti du trajet normal. C’est un album qui était beaucoup plus confidentiel donc il y a que les gens qui ont vraiment envie de s’intéresser à ce qui s’est passé avant. Ce qui n’est pas le cas de tous mais ça fait partie du boulot. C’est un album que je revendique et que j’assume entièrement ……Voilà….
Ok, merci beaucoup...